Norman Rockwell |
Socialisation : processus selon lequel l'enfant intériorise les différents éléments de la culture environnante et s'intègre dans la vie sociale (Larousse)
Sociabilisation: vous l'avez entendu ce terme? Hein? Comme moi! Ben, en fait, ce mot n'existe pas...! C'est bien ce qui me semblait...En revanche le verbe sociabiliser existe et cela signifie rendre sociable.
C'est un peu tarte à la crème...dès qu'on annonce que nos enfants sont instruits à la maison, la question de la socialisation arrive dans la seconde sur le tapis! Un peu comme si l'école était le seul lieu possible de socialisation...
En réalité, l'enjeu de la socialisation relève d'abord de l'éducation-donc de ce qui se passe dans la famille. L'éducation ouvre ou enferme les enfants, les socialise ou les marginalise, les rend extravertis ou introvertis.
Le deuxième facteur de socialisation, et non des moindres, est le caractère même de l'enfant. Il y a le timide, et il y a l'enjoué. Il y a le jovial et il y a le taciturne. Il y a le grégaire et il y a le solitaire, etc. On voit là, qu'aussi bien un enfant scolarisé qu'un non scolarisé, peut avoir des difficultés à vivre en société, en groupe, à se socialiser. Je connais des enfants scolarisés qui ont toutes les peines du monde à se socialiser!
Autrement dit, si les parents font le job, l'instruction en famille n'est pas un frein à la socialisation des enfants. C'est même la plupart du temps, tout le contraire! Pourquoi? Parce que les enfants ont pris l'habitude, dans le cadre de l'école-maison, d'échanges plus horizontaux (voire d'échanges tout courts...), de brasser les générations, les catégories sociales, les activités.
Et bien? Tout va bien, dans le meilleur des mondes, non? Une fois encore, l'instruction en famille est la panacée?
Pas tout à fait! Trop souvent, les blogs et les sites nous vantent tous les bienfaits de l'instruction en famille en ayant tôt fait d'oublier les difficultés inhérentes à ce choix de vie. L'instruction en famille est dépeinte comme un monde merveilleux qui suscite la convoitise et culpabilise les mauvais parents qui scolarisent leurs enfants...bouh! Bourreaux d'enfants!
Évitons donc tout dogmatisme ou idéologie, soyons humbles et honnêtes:si la socialisation ne pose en réalité de problèmes qu'aux adultes qui ne connaissent pas l'instruction en famille, il n'en va pas de même des amitiés.
En effet, force est de constater que sans l'école, la vie amicale des enfants est restreinte. Il faut admettre que la plupart des enfants se font leurs amis dans le cadre de leur scolarité parce qu'ils passent avec leurs pairs un temps quotidien suffisant pour nouer des amitiés solides. Dans le cadre de l'école-maison, tout ce temps est passé à la maison, entre soi...
Nous pouvons déployer tout le temps, l'énergie et l'argent que nous voulons pour offrir à nos petits homeschoolers des activités variées hors les murs de la maison, cela ne suffira cependant pas, la plupart du temps, à leur constituer un vrai réseau d'amis. Il s'agira en effet d'enfants qu'ils croiseront sur une durée très limitée pendant la semaine et en étant concentrés sur leur activité. C'est insuffisant pour se faire des amis. Des connaissances, des copains à la rigueur, oui...mais des amis...c'est autre chose...!
Tant qu'ils sont petits et qu'ils sont dans une fratrie, cela ne semble pas peser outre-mesure sur eux...mais cette question doit tout de même être posée au moment du choix de l'instruction en famille.
Si vous hésitez à vous lancer dans l'aventure, sachez que de mon point de vue, vos enfants seront sociables, socialisés mais ils n'auront que très peu d'amis. A vous de voir, ensuite si cela pose un problème.
Cette question de l'amitié ne concerne en réalité pas uniquement les enfants. Elle impacte également directement le parent instructeur. En effet, lorsque vos enfants sont scolarisés, vous avez l'occasion de rencontrer à la sortie de l'école, d'autres parents qui au fil du temps peuvent devenir des amis. C'est encore plus vrai lorsque vous déménagez. Dans votre nouvelle ville, l'école est le moyen rapide et facile de "faire son trou"...avec l'instruction en famille, reconnaissons-le, c'est bien plus lent!
Mais cette question de l'amitié amène une réflexion sous-jacente fondamentale: le choix de l'établissement. En effet, pour que l'alchimie se fasse et que les enfants (et les parents) se fassent de bons amis, il faut encore qu'ils soient scolarisés dans un établissement où cela semble possible, selon les critères que l'on s'est donnés.
Alors, en effet, l'instruction en famille n'est pas une panacée. Elle a, comme tout autre système, tout autre choix, sa balance de plus et de moins, ses avantages et ses inconvénients, ses réussites et ses échecs, ses vertus et ses écueils...à chacun de soupeser en fonction de sa famille, de ses enfants (âges, besoins, difficultés scolaires) et de soi-même (il est important de ne pas s'oublier!).
En bien des points, l'instruction en famille est une très bonne solution et la socialisation n'est pas un problème. En revanche, la case "amitiés" peut être cochée plutôt dans les moins...
Commentaires
Je pense que ce qui joue le plus c'est le lieu de vie général : il sera plus difficile de se faire des amis si on vit dans un mas isolé au milieu des Cévennes qu'en zone urbaine... et le caractère va y faire beaucoup aussi :)
Je suis un pur produit de l'école publique. J'ai adoré mon primaire et je m'y suis fait beaucoup d'amis, idem au lycée. Au collège, plus discutable mais cela venait principalement d'un mauvais choix d'établissement.
Tous mes amis sont essentiellement des amis de classe. J'adorais aller à l'école et y retrouver mes camarades de classe. Donc je persiste à dire, parce que c'est le cas pour la majorité, que l'école reste pour les enfants un lieu privilégiés pour se faire des copains ET des amis mais pas exclusivement bien entendu. C'est d'ailleurs par ce biais que les enfants s'invitent pour jouer, pour des anniversaires, pour des sorties etc...mais là encore, le choix de l'établissement est tout à fait déterminant.
De même mes filles aînées sont heureuses d'avoir été rescolarisées au collège et notamment, d'après leurs propos, pour se faire des amies, voir des jeunes de leur âge, passer du temps hors de la maison etc...
Je trouve qu'il est important de souligner aussi les faiblesses de l'IEF, et l'isolement-qui peut être partiel bien entendu-en est un. Il n'en demeure pas moins, que l'IEF a de nombreux avantages.
Merci pour cet article qui me laisse pensive, d'autant plus qu'il est quand même bien rare de lire (sur votre blog comme bien d'autres) des articles qui évoquent des difficultés à l'IEF.
Celle qui concerne l'amitié me parle et je trouve ça en effet très difficile de la regarder en face : c'est difficile d'admettre qu'en faisant le choix de l'IEF, nous parents, nous nous mettons et nous mettons nos enfants dans une situation délicate concernant leurs amitiés potentielles. Comment faire ? Comment y remédier ?
Je comprends bien que les activités extra-scolaires ne sont pas suffisantes pour tisser de profonds liens.
C'est un peu triste ce constat.
Comment le vivent vos enfants ? Et vous-même, comment faites-vous pour rencontrer vos pairs ?
Belle après-midi, merci d'ouvrir cette fenêtre pour qu'on ne s'endorme pas sur nos lauriers entre gens convaincus.... !
Ah cette histoire d'amitié c'est vraiment compliqué!
Merci, vraiment !
Ma fille lorsqu'elle va à des anniversaires, ne se retrouvent qu'entre copines de gym et non pas copines d'école!
Je pense que tu parles de votre vie, de votre façon de faire et de votre vision des choses, mais c'est loin d'être le seul et unique possible!
Par contre, là où je te rejoins, c'est concernant les parents ou plus précisément le parent qui met sa carrière entre parenthèse pour l'IEF. Effectivement, autour de moi, les parents ont également des amis d'école?!lol (les autres parents d'élèves ;)) Alors que pour le coup, en IEF en tant qu'adulte, le cercle est plus fermé...
@autre anonyme (décidément ce serait bien de signer...!): mes enfants le vivent bien pour le moment mais notre choix IEF est toujours remis en question chaque été. Rien n'est définitivement acquis dans ce domaine. Mes enfants le vivent bien car ils sont dans une fratrie nombreuse, leurs frères et sœurs sont leurs meilleurs amis. L'IEF a permis cette formidable relation fraternelle. Elle a aussi cet avantage. ILs ont aussi bcp de cousins et nous avons quelques amis proches avec des enfants du même âge mais c'est très différent de l'école. Comment y remédier? On ne le peut pas...on peut compenser un peu mais pas remédier et cela demande bcp de temps, d'énergie, de conduites etc...
De toute manière les vrais amis on n'en a pas 50. Pour ma part je me les suis fait lorsque j'ai su un peu mieux qui j'étais et ce que je voulais vivre dans ma vie.
Servane
À changer d'établissement.
Servane
En effet, ne refusons pas de voir les choses telles qu'elles sont réellement et admettons que si le problème de socialisation ne se pose pas, celui de l'amitié en revanche peut se poser.
Tous les enfants sont différents, certains se feront des amis dans leur club sportif mais d'autres ne s'en feront pas (je le sais par expérience) pour diverses raisons.
Certains évoluent aisément parmi d'autres enfants et certains non. Le problème de l'amitié demeure cependant le même : à nous de trouver le moyen de palier à ce manque quand il existe.
Pour ma part, maman de 3 garçons de 26-23 et 11 ans avec les deux aînés qui ont quitté le nid, je fais en sorte depuis 3 ans que j'ai commencé l'IEF, que mon dernier continue à voir régulièrement ses quelques vrais amis qui sont restés proches depuis qu'il n'est plus scolarisé (beaucoup de ses camarades de classe lui ayant tourné le dos).
C'est vrai que la question des amitiés est importante... mais mon expérience de maman d'enfants scolarisés me montre que se faire des amis à l'école est loin d'être facile également... Dès qu'un enfant a un esprit un peu indépendant et n'entre pas dans les "codes" de ses pairs, c'est même plutôt l'inverse qui se produit. C'est bien souvent dans des groupes un peu alternatifs qui valent autant pour les enfants scolarisés que les enfants instruits en famille comme les scouts, les aumôneries, la musique... que les vraies amitiés naissent... Mais c'est peut-être ma nature introvertie, et celle de mes enfants, qui parle...
En revanche je suis tout à fait d'accord concernant l'isolation du parent-instructeur, vu de l'extérieur en tout cas... Et c'est un des aspects qui me fait le plus peur à l'idée de me lancer dans l'ief...
Je dois dire que la question d'amitié varie d'un enfant à l'autre chez moi. Mais je remarque une constante, les enfants à l'école savent interagir plus rapidement avec d'autres enfants (mais pas qu'en mieux ;) ) . Cependant, une fois qu'ils ont compris les codes, les miens s'intègrent de manière plus positive, on me le dit souvent!
Il y a eu des années de "vaches plus maigres " question amitiés. Et des périodes plus fastes.
Ce point de l'amitié demeure malgré tout toujours avec une pointe de culpabilité. On sait que pour les anniversaires en IEF on aura moins de cartons d'invitation alors qu'en classe c'est si fréquent! Mais, les enfants lient-ils mieux pour autant?
En ce moment, nous sommes dans une période assez équilibrée. Mes collégiennes ont des amies en IEF (des proches avec lesquelles on confie tous ses secrets: c'est précieux!!!). Elles ont le scoutisme qui permet tout de même de vivre des moments assez forts de groupe et positifs.
Mais l'amitié à l'école n'est pas si simple non plus, même dans un milieu et cadre scolaire choisis ;) les mauvaises influences, les rejets, les pressions!
Je regarde également le parcours de mes aînés et une fois dans le système chacun a été capable de développer des amitiés durables et nombreuses autant que ceux qui sont passés par le système scolaire uniquement.
De chaque côté il y a des nuances. Il n'y a pas de projet "cochez ici tout est parfait"!
mais ton article est pertinent car je pense que nous sommes responsables de cet aspect de leur vie. Pour moi, il est évident que si je sentais un mal être à ce niveau, je scolariserais illico...
Il est juste de soulever ce point car le manque peut arriver, notamment pour les familles isolées. La vie en grande ville nous entoure de nombreuses familles faisant l'école à la maison. Et le gros avantage avec l'IEF c'est que nous parents, pouvons garder un oeil sur les fréquentations et amitiés naissantes des enfants.
je pense que le lieu d'habitation joue beaucoup ! Nous sommes isolés à la campagne et mes enfants "n'accrochent" pas avec les enfants qu'ils rencontrent dans leurs activités (musique, sport). Quand ils sont scouts, ils côtoient alors des enfants avec lesquels ils ont plus d'affinités et nous faisons l'effort de faire les 45 Km qui nous séparent de la capitale auvergnate...mais ils ne se font pas d'amis pour autant, parce qu'ils n'ont pas l'occasion de croiser ces enfants-là le reste de la semaine. C'est à l'âge du collège que le manque d'amis se fait ressentir et c'est pour cette raison que j'inscris alors mes enfants à l'école (à mon grand regret).
Quand à moi, aucune vie sociale la semaine. Heureusement que le téléphone existe pour avoir une bonne discussion de temps en temps avec une amie !
Merci Laurence pour cette réflexion.
Concernant nos enfants IEF (6.5 ans et 4.5 ans), je fais l'effort d'inviter régulièrement (aux vacances scolaires, le mercredi) les petites filles avec qui elles s'entendent bien (enfants de nos amis, de la paroisse).
Personnellement, je vois sûrement moins de monde que les parents d'enfants à l'école, mais ça ne me manque pas (question de caractère...) et là encore, la paroisse est très accueillante pour créer des liens.
Tout est l'intérêt de faire partie d'un réseau non-sco!!!
Nous sommes membre d'une asso non-sco et mes enfants voient leurs nombreux amis plusieurs fois dans la semaine. Ils ont pu créer de véritables amitiés! Ce qui n'était pas mon cas quand j'étais à l'école!
Chloé
@Chloé : "L'entre-soi est-il un risque de l'école à la maison, avec toute l'ignorance et les préjugés qui lui sont inhérents "...bien entendu que ce risque demeure! Dire le contraire serait malhonnête. La question est: est-ce gênant? et pour ma réponse pour faire court: au niveau du primaire, je pense et j'observe que l'isolement et l'entre-soi (suivant tous les critères mentionnés dans le billet et les commentaires comme fratrie ou pas, campagne ou ville etc...) ne sont pas un problème ; cela le devient au collège et encore plus au lycée.
Effectivement, l'IEF ne signifie pas forcément 0 amitié, ni l'école forcément une foule de chouettes amitiés (Ado, je n'ai pas su me faire d'amies au collège... car je n'en maîtrisais aucun code) mais il y a un risque / une absence d'opportunité.
Poser les choses ainsi est vraiment précieux, et ensuite, à nous de voir ce que notre contexte implique à ce niveau, et ce que nos possibilités nous permettent de mettre en place pour aller dans le sens que nous souhaitons. Dans un cas la combinaison environnement + ressources à disposition (en prenant en compte l'envie de les mobiliser - car comme vous le dites, la ressource "temps" étant finie, la manière de l'allouer doit être mûrement réfléchie) fera pencher la balance dans un sens, dans d'autres cas la décision sera autre. L'important étant d'avoir pu prendre une décision sans "oublier" un aspect aussi important !
Depuis mon retour au travail et le déménagement, nous ne connaissons même pas nos voisins!Affligeant, je sais. Car à courir entre le travail, les devoirs, les rendez-vous, l'entretien de la maison, nous n'avons plus de temps pour partager des moments conviviaux à l'extérieur de la familleou pour inviter les copains et copines. Mes enfants en sont navrés. Pour moi, c'est un lourd inconvénient du travail! Certes mes filles ont des copines au collège. Mais elles ne les garderont pas. Après un énième déménagement. Nous rencontrons de belles personnes mais souvent la distance détend les liens de copinage.
Par contre, les amies de scoutisme traverseront nos multiples déménagements car elles sont élevées dans les mêmes valeurs, qu'elles partagent des expériences fortes ensemble (les rondes de nuit, les attaques de camp, les veillées, les longues marches en autonomie en aidant les plus faibles, en décidant du chemin à prendre). Ces amies que mes filles retrouvent par delà les années à chaque vacances scolaires pendant 5 jours intenses qui voient émerger de belles amitiés.
Je pense que c'est plus dans le cercle des voisins, des enfants des amis des parents, du scoutisme que se pérennisent les amitiés sincères.
Jacotte