Se donner les moyens d'une bonne inspection #1

Ancien billet, remonté aujourd'hui, car il est un élément de réponse aux agitations actuelles...
J'ai vu à travers vos commentaires que la fin de mon post précédent soulevait des interrogations...! "pour qu'une inspection se passe bien, il faut s'en donner les moyens".
Je vais tâcher de vous répondre avec ma franchise habituelle, je me prépare donc à vos réactions et à quelques polémiques...

Il y a, selon moi, à mettre en oeuvre des moyens plus immédiats et des moyens plus en amont.
Mais en préambule, je tiens à dire:
1) que ces propos certes n'engagent que moi mais sont le fruit d'une expérience longue et riche des enfants, de mes observations et mon investissement au sein de l'EN puis de l'IEF.
2) que je suis bien consciente que des situations familiales particulières peuvent contredire mes propos. Je pense notamment aux cas de phobies scolaires avérées, aux enfants trèèès fragilisés.
3) qu'il faut avant tout, pour que tout se passe bien, laisser du crédit à votre interlocuteur EN. Ce n'est pas l'ennemi; inutile de l'attendre au tournant! Placez vous quelques minutes dans ses chaussures, ainsi vous saurez comment réagir et répondre : l'inspecteur ne vous connait pas, ni vous, ni vos enfants. Il dispose finalement de peu de temps pour essayer de vous connaitre un peu, pour pénétrer dans l'intimité de votre classe-maison, pour comprendre le mode de fonctionnement de votre famille qui ne sera pas le même que la famille précédente qu'il a rencontrée ni le même que celui de la suivante. Enfin, ne perdez jamais de vue, que même avec beaucoup d'ouverture d'esprit, il a d'une part des comptes à rendre à sa hiérarchie et d'autre part que depuis sa maternelle jusqu'à aujourd'hui, il n'a jamais connu autre chose que le monde de l'EN!

Bon, voilà pour le préambule...les moyens à mettre en oeuvre donc...!!
    
Les plus évidents sont les moyens que j'ai appelés "immédiats": 
Il va de soi qu'il faut pouvoir préparer des supports à présenter. Votre interlocuteur ne pourra pas - mettez vous à sa place, il ne vous connait pas- se contenter de votre bonne mine et de propos évasifs. Vous devez être capables de présenter des supports, le travail de vos enfants (pour l'informel: des photos, un dossier etc...) mais aussi et surtout - devrai-je ajouter - présenter votre travail à vous, votre organisation, vos objectifs, vos choix qui devront lui sembler CLAIRS ET ASSUMES. "Pourquoi le choix de ce manuel? Pourquoi ne faites vous pas d'informatique? Pourquoi un classeur plutôt qu'un cahier? Comment travaillez vous le calcul mental? J'ai choisi cette année de mettre l'accent sur l'acquisition d'un vocabulaire plus riche et pour cela de travailler de telle et telle manière. Je ne commence l'anglais qu'en CM2, pour telle et telle raison, parce que je pense que... , parce que j'ai observé que... et que... , nos horaires sont ceux-ci ou nous n'avons pas d'horaires parce que ...etc..."
Un petit conseil donc : tenez à jour un petit journal de bord de ce que vous faites chaque jour mais aussi dans une autre couleur ce que vous observez de vos enfants. C'est utile pour faire progresser vos enfants, c'est utile pour vous et ça plaira à l'inspecteur qui pourra noter une réelle "conscience professionnelle", une obligation de moyens avérée.

Pour éviter d'être sur la défensive, préparez du café et proposez leur au début, ça détend tout le monde! Pour l'anecdote : l'autre jour, je leur ai proposé un café qui était encore chaud , ils ont semblé tout déroutés! Se sont regardés un moment comme si j'avais proposé un whisky à deux policiers en service...! Finalement ont accepté et ont discuté avec les enfants pendant que j'étais dans la cuisine. Quels messages ont-ils pu percevoir de cette petite anecdote de rien du tout? Beaucoup de choses en réalité : 1. no stress 2. vous êtes les bienvenus 3. j'ai confiance en vous, je vous laisse seuls 5 minutes avec les enfants 4. j'ai confiance en mes enfants, je les laisse s'exprimer librement avec deux inconnus sans crainte.
     La deuxième solution peut être aussi -en fonction des horaires- de commencer sa journée de classe comme d'ordinaire, l'inspecteur arrive et "prend le train en marche". Ainsi il vous voit un peu travailler tous, comme vous en avez l'habitude et cela s'apparente à ce qu'il fait dans le cadre d'une classe. 
          Je ne prépare jamais mes enfants aux inspections. Ils connaissent la date de l'inspection environ 15 jours avant, mais notre programme ne change pas d'un pouce. Pas de révisions intenses avant le grand jour ! Je ne leur en parle presque pas, pas de pression! Je leur dis juste qu'il vient voir surtout comment on travaille. Ils sont donc "natures" quand l'inspecteur est là, sans peur excessive de "se tromper", de "mal faire".

Les moyens plus "en amont" à présent:
c'est à dire ceux qui relèvent d'un travail de fond...de l'éducation. Je suis toujours très choquée de lire sur le net tout un tas de choses qui me semblent concourir à ce que l'inspection se passe mal...ces personnes ont lors tôt-fait d'accuser leur inspecteur de tous les vices sans réelle remise en question de leur part! 
   Est il normal qu'un enfant se lève et parte de la pièce, refusant de répondre? Est il normal que le parent ne le reprenne pas à ce sujet? Cela n'a rien à voir avec une parentalité bienveillante ou un respect de l'enfant en tant que personne. C'est avant tout un manque de respect, de la grossièreté approuvée par les parents, une question de politesse. Pour ma part, j'apprends à mes enfants à répondre aux personnes qui leur parlent, en les regardant dans les yeux, avec une voix intelligible. Cet apprentissage ne relève pas de "la classe" même si des exercices y contribuent (exposés, poésies, théâtre, narration, justifier un point de vue, corriger à haute voix, proposer une solution, aider l'autre etc...) mais bien de l'éducation qui se fait dans le foyer, dans le cadre de la vie quotidienne. De la même manière, nous devons aussi apprendre aux enfants à dominer leurs peurs, à surmonter les obstacles,  à exercer leurs responsabilités, à se prendre en charge, à ne céder ni à la facilité ni aux caprices. Ringarde, hein, la Merepoule!
  
Il y a aussi notre propre préparation. Lisons nous suffisamment? Je ne parle pas ici uniquement d'ouvrages pédagogiques mais d'ouvrages de culture générale. Creusons nous les sujets que nous abordons avec les enfants? Nous ne sommes pas des encyclopédies vivantes, certes, mais est il normal de se présenter à un inspecteur en ne sachant pas écrire deux phrases sans fautes d'orthographe? Savons nous résoudre les problèmes mathématiques de leur âge et apprécier/proposer différentes techniques de résolution? Maîtrisons nous la division posée? les calculs de fractions? les proportions ou la règle de trois? Maîtrisons nous la géographie française? Avons nous un fond de culture un peu étendu d'histoire de France? Sommes nous capables de commenter un peu plus précisément que nos enfants une oeuvre d'art? 
On ne peut accompagner son enfant dans les savoirs fondamentaux qu'en les maîtrisant nous mêmes, c'est un minimum! Pour le reste, un peu de volonté et d'anticipation permet d'être au niveau rapidement.
    
Enfin, il y a les fameux tests que tant de parents refusent parce qu'ils seraient illégaux. D'un point de vue légaliste, ils sont légaux, c'est un moyen parmi d'autres dont l'inspecteur dispose pour vérifier que l'enfant est bien instruit, que l'instruction reçue est bien conforme à son âge et à son état de santé et qu'elle lui permettra d'atteindre le socle commun des connaissances à 16 ans. D'un point de vue pédagogique, ces tests sont discutables puisque nous ne sommes pas tenus de suivre la progression par niveaux telle que pratiquée dans les écoles. Je n'ai pas été gênée, que le conseiller pédagogique sorte ces fameuses évaluations et pioche dedans pour poser des questions aux enfants. Quelques questions de calcul mental, une dictée de nombres "allez on essaie encore plus costaud?", une phrase de dictée : "les petits lutins se cachent sous un arbre" (rappel: ils seraient en CE2), trouver le verbe, un nom, un adjectif, inventer une phrase qui raconte la suite,  résoudre un problème dont ils ont trouvé la solution oralement, un autre qu'ils n'ont pas résolu, et enfin lire 10 lignes à haute voix. Ils en font bien plus chaque jour !

Je trouve parfaitement normal que les inspecteurs ne se soient pas contentés de regarder leurs classeurs. Les classeurs disent ce que nous faisons chaque jour et attestent que nous travaillons, qu'il y a instruction mais ils ne disent pas comment les enfants se débrouillent devant l'inconnu. C'est pourtant fondamental pour dans la construction de la personnalité.
   
Éduquons-nous nos enfants à la santé en les laissant manger des flamby au petit déjeuner ou regarder des écrans toute la journée? Éduquons-nous nos enfants au beau, à liberté, à l'esprit critique en les laissant passifs devant des dessins animés japonnais de mauvaise qualité les 3/4 de leur temps? En ferons-nous de belles personnes?Des citoyens ?Forgeons-nous les adultes de demain dans une maison sans règles, sans exigences, en désordre permanent?Favorisons-nous leur ouverture d'esprit, l'exploration du monde sans encourager le foisonnement artistique, sans la littérature, la poésie, les musées?Combien de fois dans votre vie d'enfant et d'adulte vous est-il arrivé de vous découvrir un intérêt réel pour un sujet, un livre qu'on vous a suggéré ou imposé?Pour ma part, très souvent! Toutes mes passions ne sont pas sorties de ma seule motivation patiemment attendue par mes parents ou mes professeurs!Merci à eux! Quelle conclusion peut tirer l'inspecteur de ces choix d'apprentissages informels mal compris et mal digérés? Franchement !
Car notre attitude devant l'inspection n'a pas pour seule conséquence notre bon ou mauvais rapport annuel ; elle rejaillit sur toutes les familles qui ont fait le choix d'instruire leurs enfants elles-mêmes.Quelle peut être la position de l'EN et même de la société toute entière lorsqu'elle croise des familles IEF volontairement marginalisées, en opposition systématique, les savoirs de base non maîtrisés, les enfants non structurés...? J'avoue être parfois excédée par ces familles qui me savonne la planche!

Je vous avais prévenus : pas de langue de bois ! Mais il faut que les critiques soient constructives...Je propose donc d'aider de mon mieux toutes celles et ceux qui rencontrent des difficultés avec l'IEF et sa mise en place ou dans la préparation de leurs contrôles. N'hésitez pas à me contacter !

Commentaires

Unknown a dit…
merci pour cet article, nous venons de commencer l'ief en septembre avec mes deux enfants de 8 et 5 ans. Ma fille de 8 ans a perdu confiance toute confiance en elle, donc parfois je suis un peu perdu ne sachant pas toujours comment m'y prendre. Notre contrôle est pour avril, et je commença à stresser mais votre me donne du courage d'avancer. Merci pour votre blog , je viens très souvent lire , c'est très enrichissant.
Je comprends complètement ton point de vue. J'étais dans la même optique avant: si l'enfant travaille et est au niveau, en quoi les inspections sont-elles un probleme? J'ai donc accueilli l'inspectrice la fleur au fusil.

Mais je crois que c'est surtout une question d'individu, et en l'occurrence je suis tombée sur le mauvais individu. Est-il normal que l'inspectrice consigne dans son ordinateur les renseignements suivants (auxquels je n'ai pas toujours accepté de répondre):
-lieux de vacances?
-profession exacte du mari?
-toutes vos précédentes adresses?
-détail de vos études?
-puis-je visiter la maison?
-l'enfant fait-il de la généalogie?
-où est le cahier d'éducation civique? Merci d'en présenter un l'an prochain.
-avez-vous des animaux?
-vous entretenez de bonnes relations avec votre famille?
-adhérez vous à une association de défense de l'ief et si oui laquelle?
-vous n'avez pas de TV mais l'enfant regarde-t'il quand même des films?
-combien de temps voulez-vous continuer l'ief?
-...

Nous avons reçu un rapport très élogieux, avec tout de même une remarque acerbe sur l'absence d'éducation civique; mais j'ai été choquée d'une part par le niveau d'intrusion dans notre vie privée, et d'autre part par le comportement critique DEVANT l'enfant. "Le français mais on ne fait plus du tout comme ça!" " ah mais c'est vieillot!" "Ohlàlà mais c'est trop long cette dictée, le pauvre!"

J'ai regretté de ne pas avoir été plus ferme.
Unknown a dit…
Bien d'accord avec ton article !
Cette année, je n'ai pas vu l'inspectrice la fleur au fusil. J'ai eu en face de moi des personnes très équilibrées, mais j'avais préparé l'entretien, car
1. nous étions convoqués à l'école ;
2. nous l'avons su 4 jours avant par téléphone.
Donc j'étais un peu "sur mes gardes" et j'ai fait réviser les enfants, ce qui était à double tranchant (ils étaient un peu stressés bien que j'aie pris soin de dire qu'on leur ferait faire des exercices (et non des "tests"). Deux des trois enfants se sont détendus très vite, la plus timide est restée inquiète.

Mais surtout j'avais préparé en plus des supports de travail 3 feuilles A4 que j'ai laissées à l'inspectrice, expliquant en couleurs et en encadrés bien nets : 1. notre emploi du temps détaillé, 2. Aspects pratiques : nos supports, cours, livres, cahiers, classeurs, salle de classe... 3. Choix pédagogiques, principes, activités extra-scolaires, sorties (liste longue comme le bras finalement !).
Tout cela est du marketing, mais les questions posées par mon interlocutrice lui ont permis de voir que c'est aussi du réel, et de se faire plus facilement une idée de notre manière de travailler.

Cela m'a permis de "prendre la main" après sa première question : - Donc vos enfants ont chacun leur chambre ? - Ah, non, ils sont à 2 et à 3 dans leurs chambres !
(commentaire un peu long, mais ce sujet mérite des détails, comme le prouve ton long article !)
Armelle
Laura, tu as tout à fait raison, j'ai fait un deuxième post à ce sujet.
Unknown a dit…
Je reviens pour préciser ce que j'aurais dû ajouter tout à l'heure : pour préparer mon inspection, et me donner courage, je me suis rendue sur les blogs des mamans en IEF que j'admire, afin d'avoir leurs remarques sur le sujet, et c'est grâce à elles, Laurence, Laura, Vic, Brune et les autres que j'ai préparé mon inspection de la sorte ; que chacune soit remerciée du fond du coeur pour le temps passé à faire profiter les autres de leur expérience !
Armelle
Sylvie a dit…
Quelle publication pertinente et juste!

Même si je suis loin de la France, je partage tout-à-fait ton point de vue Laurence.


Anonyme a dit…
Merci pour votre article. Il reflète parfaitement ce que je pense des contrôles. Je vis à l'étranger et ici, il y a un contrôle tous les 3 mois pour vérifier instruction et niveau. Cela ne me choque pas et je trouve même cela essentiel car ces contrôles permettent de protéger ceux qui ne reçoivent pas ou peu d'instruction. Je suis parfois choquée par ceux et celle qui anticipent négativement le contrôle ou qui acceptent un certain comportement de leurs enfants. Je crois que si le contrôle est bien préparé, il passe bien et au même titre que nous demandons une certaine ouverture d'esprit de la part de l'inspecteur, nous devons en faire preuve nous même. Merci pour vos conseils !
caro jms a dit…
J'ai beaucoup aimé cette phrase "est il normal de se présenter à un inspecteur en ne sachant pas écrire deux phrases sans faute d'orthographe"
Quand je vois certains blogs d'IEF avec une faute tous les trois mots, je me demande comment ces mêmes personnes peuvent ensuite corriger les écrits de leurs enfants.
Une faute de frappe peut arriver, mais trois fautes par ligne et ce de façon systématique, celà me laisse songeuse...
Anonyme a dit…
Hi Hi Hi ! A vrai dire, j'ai la même interrogation concernant les blogs d'instits...qui contiennent 3 fautes de grammaire ou conjugaison par ligne (merci la correction orthographique ?). Je suis d'autant plus inquiète que ces instits semblent constituer le haut du panier (elles se forment à montessori, lisent, s'interrogent). Qu'apprennent les enfants dont la maîtresse ne sait pas faire la concordance des temps, écrit des "à" priori et des "malgré que", be sait pas quand "plein" est invariable etc etc.....?