Poésies (semaine 6 et 7) et petites réflexions autour de la mémorisation


Avant de vous livrer mon choix de textes pour les deux semaines à venir, avant les vacances de Toussaint, je voudrais revenir sur le sens de l'apprentissage de la poésie, la question étant en effet ressortie dernièrement sur un groupe facebook.
Le préalable : la mémorisation ne s'oppose JAMAIS à la compréhension.
Il faut bien entendu, et cela est vrai pour toute notion et toute leçon, ne passer à la mémorisation qu'une fois la notion ou le texte COMPRIS. Lapalissade? Il semblerait que non tant l'argument est encore présent dans les esprits..."apprendre par cœur sans comprendre, ça ne sert à rien"...et bien non, en effet, ça ne sert à rien. Qui a dit le contraire? Ben personne en fait. Ah si ! C'est l'argument-tarte-à-la-crème des pédagogistes bien pensants qui ont vu là une occasion de justifier leur volonté de renverser la table, de balancer le bébé avec l'eau du bain, de faire du passé table rase même si l'Histoire a toujours démontré qu'il ne ressortait jamais rien de bon à se montrer radical et excessif avec les erreurs passées ou considérées comme telles plutôt que de procéder à des réajustements petit à petit. Bref. Revenons à nos moutons. "Apprendre par cœur sans comprendre ne sert à rien"...donc "je ne fais pas apprendre par cœur"...mais que s'est il passé dans les cerveaux des adultes? Un trou noir? un bug?
"Apprendre par cœur sans comprendre ne sert à rien"...donc..."FAISONS D'ABORD COMPRENDRE PUIS APPRENDRE PAR CŒUR" était, est et sera la seule réponse correcte!!! C'est tellement évident que je ne comprends toujours pas pourquoi tant d'adultes sont passés à côté depuis tant d'années !! La compréhension doit précéder la mémorisation, pas la remplacer.

Mémoriser des poésies développe de nombreuses compétences

Faire travailler sa mémoire
Qui dit mémoriser dit mémoire...oui, bon d'accord, ce n'est pas la révélation du siècle! Allez, reconnaissez-le : vous avez toujours pensé qu'apprendre par cœur des poésies ne faisait qu'exercer votre mémoire! Hum? On est d'accord, apprendre des poésies fait travailler la mémoire mais pas que...

L'appropriation
En effet il y a une vraie différence entre lire pour soi ou à voix haute et mémoriser puis réciter un texte : l'appropriation. L'enfant va devoir s'approprier le texte, le digérer, le malaxer, le posséder pour le restituer. Le réciter va le conduire à la théâtralisation, à déclamer, dire et se mouvoir en public, surmonter son trac, s'appliquer pour ne pas se tromper, soigner sa diction, mettre le ton, se faire comprendre, captiver son auditoire.
Dans son quotidien l'enfant a finalement assez peu d'occasion de "rencontrer" des textes poétiques qui ont des tournures et parfois du vocabulaire très inhabituels. L'apprendre par cœur lui permet petit à petit de s'approprier des tournures élaborées et des mots recherchés. Une fois appropriés, il les restituera un jour ou l'autre dans ses écrits. Il ne lui sera en revanche jamais possible de le faire sans avoir compris, observé puis appris par cœur. Lire enrichit la langue, mémoriser fixe.

Appropriation mais aussi interaction
Mémoriser des poésies permet aussi le partage avec d'autres : les enfants aiment bien, ici, réciter leurs poésies aux autres.

Précision
Mémoriser une poésie demande aussi un travail de précision, le goût de l'effort et du travail bien fait : on ne doit pas changer un mot de l'auteur, on doit respecter la ponctuation, les rimes, le souffle. C'est assez différent d'une leçon. En effet, pour s'assurer que l'enfant a retenu une notion ou une leçon, on peut simplement lui demander de nous la restituer avec ses propres mots. C'est d'ailleurs la meilleure façon de faire. Mais en poésie, c'est un tout autre exercice. Il a son utilité dans la construction de l'enfant ; de ces petits riens qui le font grandir en même temps que travailler sa mémoire.
Luchini ne serait plus Luchini sans l'apprentissage par cœur!

CM1
Matin d'Octobre

C'est l'heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.

Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L'érable à sa feuille de sang.

Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées :
Mais ce n'est pas l'hiver encor.

Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l'air tout rose,
On croirait qu'il neige de l'or.

François Coppée

CE1 : je sais ce que vous allez me dire, puisque vous apprenez mes billets par cœur...c'était déjà au programme de CP l'année dernière...ben voui mais finalement on avait changé de poésie...donc elle refait son entrée cette année!

Le Bonheur est dans le pré

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,
Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.

Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.

Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite,
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.

De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,
De pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite,
Saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé!

Paul Fort


PHOTOS: pixabay-libres de droits

Commentaires

Sophie a dit…
Bonjour, En effet oui, les deux vont de pair. Merci pour ces idées de poèmes. Adoptés ! Je découvre que Paul Fort a écrit ce texte dans le contexte de la première guerre mondiale et je ne manquerai pas d'en toucher un mot lorsque nous l'étudierons. Bonne journée et au plaisir de vous lire !
marie b a dit…
c'est drôle , j'ai justement choisi matin d'automne hier pour ma GS.
Belle journée !