S'ennuyer #2



Dans mon précédent billet, j'abordais la question de l'ennui des enfants dans son sens le plus large à la suite d'une émission de radio à laquelle j'avais été invitée à participer. Si l'ennui n'est ni indispensable ni incontournable, il n'en demeure pas moins qu'il peut nous arriver à tous de le rencontrer parfois et qu'il est donc bon de développer chez nos enfants des qualités sur lesquelles s'appuyer pour s'ennuyer moins et moins longtemps : tenir leurs sens en éveil, apprendre à utiliser leurs mains, éveiller leur intérêt pour les choses les plus anodines, susciter leur curiosité, entretenir la soif d'apprendre.

Si l'ennui peut trouver un écho finalement positif dans notre quotidien, il n'a en revanche pas sa place à l'école. Nous sommes nés pour apprendre. Toute notre vie nous apprenons ! Et nous aimons cela ! Comment donc se fait-il que nos enfants s'ennuient dans le "sanctuaire des apprentissages"??
D'aucun rétorqueront que tous les sujets abordés en classe (quel que soit le niveau) ne sont pas d'intérêt égal et que donc il est normal de s'ennuyer. Je pense, moi, que ce n'est pas sur le choix des sujets qu'il faut travailler mais sur la manière de les transmettre. Cela demande donc au corps enseignant d'accepter de faire des remises en question régulières sur leur pratique. Quand dans votre classe, la moitié de vos élèves sont tout à autre chose qu'à vous écouter, il faut tout de même se demander si la manière dont vous faites votre cours est intéressante ! Ceci est valable de la maternelle aux études supérieures et même après! Ne vous est-il jamais arrivé d'assister à une conférence sur un sujet qui aurait dû vous intéresser et en fin de compte vous ennuyer mortellement ? Il ne suffit donc pas de maîtriser un domaine pour être un bon enseignant. Un bon enseignant doit un  passeur enthousiasmant des savoirs, un bon orateur aussi. L'enseignant se doit d'être enthousiasmé par ce qu'il enseigne. L'ennui, la morosité, la critique, l’énervement sont communicatifs...mais bonne nouvelle : l'enthousiasme et le joie se transmettent, rayonnent eux aussi. Au professeur donc de redoubler d'enthousiasme face à sa classe ! Cela déteindra forcément à moment donné sur ses élèves.
Il faudrait également s'interroger sur l'organisation mise en oeuvre dans sa classe. Savez-vous qu'un homme ne peut se concentrer efficacement plus de 20 minutes ? Savez-vous que (selon les ostéopathes) l'homme n'est physiquement pas fait pour rester plus de 15 minutes d'affilée assis ? Que pouvons-nous proposer ? Najat, c'est pour vous....:

- imposez des petits effectifs dans les classes. De la maternelle à la terminale, nous ne devrions pas avoir d'effectifs au-delà de 17 élèves maximum. Idéalement 15. C'est le préalable à toutes les réformes possibles. Des cours de langue vivante à 30 : une aberration !!! 

- organisez des séances courtes, bien rythmées, alternées (écrit/oral, nouveauté/révision, réflexion/mémorisation etc...)15 à 30 minutes en primaire, 40 minutes en secondaire. Cela permettrait de voir plus de matières dans une journée, plus de variété.

- rendez les enfants davantage acteurs. Faites les bouger, faites les participer ! 

- favorisez le travail en petits groupes MAIS pas n'importe comment ! En effet si vous décidez d'expliquer une notion et que vous regroupez des élèves ayant déjà compris et d'autres non. Les élèves pour qui cette notion est acquise vont copieusement s'ennuyer ! Si vous décidez de regrouper les élèves qui devront préparer un exposé ensemble, il faudra veiller à la prise de leadership...sinon un fera les autres regarderont ou papoteront parce que notamment ils s'ennuieront.

- laissez davantage chacun avancer à son rythme avec un plan de travail chaque fois que cela est possible. Raisonnez par objectifs à atteindre et faites le point régulièrement avec les élèves que vous tuteurez. Cela est davantage valable dans le secondaire. Mais tellement efficace et valorisant. Ils ne sentent plus infantilisés, considérés comme inférieurs devant tout attendre du professeur. De l'autonomie, de la vraie ! Combien de professeurs reprochent à leurs lycéens de ne pas être autonomes tout en leur demandant de présenter leur cours comme ci ou comme ça, de prendre des notes de telles manières, de recracher le cours par cœur sans changer une virgule etc...vos lycéens ne sont pas autonomes parce que depuis la maternelle ils sont conditionnés pour ne pas l'être !!!

- relevez le niveau d'exigences. Et oui, arrêtons de prendre les enfants pour des crétins...!! Nos enfants s'ennuient parce qu'ils ne sont pas suffisamment nourris.

- donnez du sens aux apprentissages: approche concrète encore et toujours des notions et ce pendant longtemps !! Du matériel en primaire certes mais quid du collège, du lycée? Combien d'élèves se demandent à quoi servent les nombres relatifs ? L'étude des fonctions? Aux professeurs de placer leurs élèves dans des cas concrets : "si tu as des dettes...si tu dois contracter un emprunt et que tu souhaites savoir ce que tu vas rembourser...si tu fais des travaux dans une maison et que tu veux savoir quand tu auras amorti,  etc...si tu veux expliquer ce que tu as aimé dans ce livre etc..."

- placez la littérature et l'expression orale au centre des emplois du temps. De ces deux domaines, découlent les autres : la bonne orthographe, la richesse du vocabulaire, la construction du raisonnement, l'expression écrite, le goût de la lecture, le goût et la qualité de l'écriture, la culture générale, l'imagination fertile, la créativité, l'ouverture d'esprit....cela ne vient bien entendu du jour au lendemain, mais persévérez dans cette voie et vous aurez des résultats assurément. Avec un préalable : bien choisir les livres !!!

Autrement dit si conjointement les parents et école s'attachent à entretenir l'émerveillement et la curiosité naturelle des enfants, il est très probable qu'ils s'ennuieraient moins. Je ne dis pas que cela est facile ! Il faut faire preuve de patience...mais n'est ce pas l'éducation que d'élever (conduire plus haut) avec patience ?

Commentaires

Crécerelle a dit…
SI seulement on pouvait vous entendre en haut lieu...
Anonyme a dit…
Merci Laurence tu tombes à pic ! J'ai accepté d'enseigner 3 classes de français au Maroc, et c'est bien difficile de les intéresser d'autant plus que ce n'est pas leur langue maternelle et qu'ils sont habitués au bâton depuis tout petit... Mireille
Walouu a dit…
C'est sur qu'avec 15 voir 17 élèves, le niveau serait nettement plus haut et l'aide aux enfants en difficultés serait nettement amélioré ! Sauf que ce qui est une évidence ne l'est pas vraiment au dessus bizarrement...
Alexandra a dit…
J'ai beaucoup aimé votre billet.
Vous serait-il possible de développer le thème de l'autonomie, notamment au secondaire, dans un prochain billet ?
En vous remerciant par avance,

Alexandra