Maria et moi...: casser le mythe...

Loin de moi l'idée de remettre en cause la pédagogie Montessori, c'est une pédagogie formidable dès lors qu'on la maîtrise réellement pour la mettre en application de manière efficace pour les enfants. Et c'est souvent là que le bât blesse...
Pour ma part, le temps, la maturité, l'observation constante de mes enfants, mes envies, mes besoins, le rythme de la maisonnée, les rencontres, les lectures, m'ont amenée ces derniers temps à prendre du recul vis à vis de cette pédagogie. Je n'évoquerai pas ici en détail les réflexions lues ou entendues de prétendues spécialistes Montessori, qui en sont devenues tellement intégristes qu'elles en sont prisonnières (et au passage franchement désagréables!), idôlatrant le matériel comme si la vie de nos enfants en dépendaient et qui finissent par mettre une pression d'enfer sur les pauvres mamans IEF que nous sommes...!
Lassée donc par tous ces blogs qui nous font croire que tout est beau dans le meilleur des mondes, que les petits montessoriens sont parfaits dès le berceau, que rien ne cloche, que les enfants respectent tous et toujours le matériel qu'elles ont passé des heures (voire des semaines...)à fabriquer, j'ai décidé de mettre un grand coup de pied dans la fourmilière parce que chez moi, ce n'est pas comme ça !
Quelques réflexions toutes personnelles donc :
- Jusqu'à preuve du contraire si le passage de nombreux enfants dans les écoles Montessori ont donné de très bons résultats, il existe aussi d'autres façons de faire qui n'ont pas pour autant été préjudiciables aux enfants!
- Le label Montessori ne fait pas tout, il existe aussi dans cette pédagogie de mauvaises écoles. Le meilleur côtoie le pire, autant en Montessori qu'ailleurs...!
- les interprétations et intentions que l'on prête à Maria Montessori sont souvent irritantes. Je ne pense pas exemple pas qu'elle aurait souhaité que les enfants travaillent sur tablette numérique ! Car NON, ce n'est pas du matériel concret, même avec tous les progrès actuels, les tablettes ne permettent pas encore le travail en 3D, le sens du toucher n'y est pas prédominant, cet outil fait travailler principalement la vue...!
- Je refuse de me culpabiliser parce que mes petits poussins jouent et qu'"ils seraient faits exclusivement pour travailler" (et oui, on entend de ces trucs...!). J'aime que mes enfants jouent c'est à dire qu'ils développent leur imagination. Cela fait partie de la construction de leur être. Le jeu contribue à les faire rêver, imaginer, mûrir, se socialiser. Mes enfants ont acquis de nombreuses notions "scolaires" par le jeu, je n'ai aucune honte à utiliser le jeu et à le revendiquer!
- Je tiens à la transmission des savoirs par l'adulte qui a l'expérience. Le constructivisme a fait bien plus de dégâts sur les enfants. Cela n'empêche pas, suivant les domaines et les notions, de laisser l'enfant chercher et découvrir par lui même, se prendre en charge. Mais je refuse de lui faire perdre du temps à réinventer ce que d'autres ont trouvé avant nous pour nous faciliter le travail.
Un exemple : je m'appuie sur le matériel des perles pour expliquer la multiplication. Une fois que le sens de la multiplication est bien acquis, que l'enfant a longuement travaillé avec les perles, nous allons entamer l'apprentissages des tables en les mémorisant petit à petit le plus classiquement du monde et en jouant avec notre sac mystère. Ici, plus de réglettes rouges et bleues, mes enfants ont toujours trouvé ce travail terriblement fastidieux et beaucoup plus simple d'apprendre tout simplement par cœur les tables !
Dans bien des cas, l'explication d'une règle simple suivie d'exercices d'application suffit pour apprendre convenablement sans séquelles...!
- J'ai constaté de nombreuses fois que j'avais "du retard" sur la présentation de certains matériels destinés à faire acquérir une notion à l'enfant. En réalité, bien souvent j'ai gagné du temps ! En effet, l'enfant étant plus mûr, l'explication de la notion prend 5 à 10 minutes et est tout de suite comprise sans qu'il soit nécessaire de manipuler longuement du matériel.
- Dans le cadre de l'IEF, l'apprentissage par imprégnation n'est pas une vaine expression. Par exemple, j'ai pu constaté l'autre jour qu'Hippolyte, 2 ans 1/2, sans que je ne fasse rien, savait reconnaitre 0,1,2,3 et 6!! De même les livrets de nomenclatures (que j'ai passé des heures à fabriquer) ne servent pas, le bain familial suffit à faire acquérir beaucoup de vocabulaire à mes poussins. Quant à lire les étiquettes, une fois qu'ils savent lire, ben, ça les barbe ! Ils préfèrent lire des livres, des magazines, des albums jeunesses et sincèrement...je les comprends !
- Je n'hésite pas faire faire des fiches à mes plus petits. Ils adorent ça, pourquoi les en priver ? Quand elles sont bien faites, ils apprennent beaucoup de choses avec ! C'est aussi pour eux l'occasion de travailler la motricité fine (coloriage, tracer, découpage, collage etc...) pendant que je suis disponible pour les autres.
- Je refuse de trembler en demandant si c'est trèèès grave d'avoir présenter tel matériel avant tel autre, ou d'avoir présenter tel matériel à tel âge
Mais alors Montessori, c'est fini ?
Non ! Je tiens à :
- favoriser l'autonomie progressive des enfants.
- faire des leçons à 3 temps
- concret-semi concret-abstrait. L'entrée dans les notions se fait avec du matériel mais le matériel n'est pas forcément montessorien.
- l'auto-évaluation et l'auto-contrôle
Et je mixe ceci avec des méthodes et des supports beaucoup plus traditionnels ou plus informels.Tout dépend de la matière et des objectifs fixés. Vous me connaissez bien maintenant : ne jamais perdre de vue l'objectif fixé, une des clés en pédagogie. Tout est question d'observation et de dosage, comme toujours !
Voilà qui va alimenter les commentaires, je pense ...Mais que ça fait du bien d'ouvrir le bec...!! Nos enfants ne sont pas des poussins de laboratoire, il est bon de ne pas l'oublier et parfois appliquer la bonne vieille méthode simple et efficace suffit à satisfaire tout le monde...

Commentaires

Anonyme a dit…
Bonjour Laurence,
Beaucoup d'idées à méditer. En ce qui concerne les jeux, vers quoi orientez-vous les enfants ?
Y a-t-il des incontournables ? Individuels ou collectifs ?
Merci,
Anne
Marie a dit…
Et bien cela me soulage de lire ces réflexions, car je partage votre avis. Montessori, oui pour l'apprentissage de certaines notions, car la réflexion qu'elle induit aboutit à un résultat durable. Mais non pour le principe de l'auto apprentissage systématique. Laisser l'enfant dans l'erreur n'est à mon sens pas constructif.
J'ai habité Combourg il y a 6 ans. Dommage que je ne vous ai pas rencontré à ce moment. Ou peut-être nous sommes nous croisées à la Messe...pas de souvenir.
Bon courage à vous. Cordialement.
superdahut a dit…
le bât blesse et non pas le bas blaisse, excusez moi de vous corriger...
voilà qui est corrigé ! Il n'y a pas de mot pour qualifier cette coquille...!! J'ai honte !
Anonyme a dit…
Je suis tout à fait d'accord. On se fait parfois reprendre sur des broutilles notamment sur facebook!! Les "puristes" ne tolèrent parfois pas l'adaptation du matériel et c'est vraiment dommage.
laurence a dit…
Merci, tout à fait d’accord avec vous ; j’ai bien apprécié cet article ; le plus important à mon humble avis est une question de « dosage » et surtout de s’adapter à l’enfant qui reçoit. Il est un fait que moi aussi je suis agacée par trop de Montessori et le côté « sectaire » qu’il prend de temps en temps, mais je dois dire que en soutien scolaire le matériel aide bien à passer à l’abstraction (même si ce dernier est fait artisanalement). Et les blogs généreux qui appliquent cette méthode, entre autre, aident lorsque l’on n’a pas de formation, à cheminer dans la réflexion avant de transmettre .
caroline a dit…
Merci pour ce message plein de bon sens. Je partage votre point de vue. TOUS les systèmes quels qu'ils soient ont leurs faiblesses et leurs avantages. Le tout est de prendre le "meilleur" de chaque, et surtout le plus adapté à chaque enfant et à sa façon d'appréhender les choses. Mon cadet n'a jamais accroché sur les barres rouges/bleues par exemple, alors que ma benjamine en est fan! J'ai donc cherché pour mon cadet, une autre méthode pour aborder la notion. Elle n'était pas "montessorienne", mais elle lui convenait à lui, c'est bien là le principal! Et je souris en lisant le passage sur les remarques, les post et autres des "puristes"...c'est tout à fait çà!!
Mathilde D. a dit…
Comme je l'ai dit à Laurence par mail, je suis d'accord avec la plus grande partie de son message...
A sa demande, je colle mon message sur les étiquettes de lecture et les nomenclatures :

"Quant à lire les étiquettes, une fois qu'ils savent lire, ben, ça les barbe ! Ils préfèrent lire des livres, des magazines, des albums jeunesses et sincèrement...je les comprends !"
L'intérêt de lire les étiquettes, c'est justement quand l'enfant en est encore à la lecture du mot (il vient de comprendre le mécanisme de la lecture). Utiliser ces étiquettes (ou des petits mots qu'on lui écrit), lui permet de s'exercer sans trop de peine (lire un livre n'est absolument pas à sa portée à ce moment-là). Ensuite on complexifie, en ajoutant articles, adjectifs, puis verbes...etc. C'est le début de la grammaire qui conduit doucement à la lecture de la phrase.
L'apprentissage de la lecture en Montessori est assez lent, mais en même temps, les enfants commencent à lire tôt. Ma fille a lu ses premiers mots à 3 ans et demi, mon fils a 3 ans et 9 mois. Et ils ne sont pas "précoces". Nous avons énormément utilisé les étiquettes des nomenclatures, les petits mots écrits autour d'une ambiance. Ils en raffolent.
A 5 ans, ma fille est aujourd'hui une excellente lectrice qui dévore les livres (je dis ça pour préciser que l'exercice conduit naturellement à la lecture de livres évidemment!).
Je pense donc que les nomenclatures et billets de lecture sont une étape nécessaire pour des enfants jeunes qui découvrent la lecture.
Ce que je comprends de ton blog, c'est que tes enfants sont arrivés un peu plus tard à la lecture, mais aussi que cet apprentissage s'est fait plus rapidement. Du coup, j'imagine qu'il n'est pas nécessaire de passer par toutes ces étapes (comme pour la mémorisation des opérations. A 4 ans, pour un enfant baignant dans une ambiance montessori, ces étapes ne sont pas fastidieuses... pour des plus grands, je veux bien croire que si !!)

Voilà, juste ce que je voulais relever. Pour le reste, je suis globalement d'accord avec toi (la tablette numérique, les fiches qui peuvent être utiles, le jeu, l’imprégnation familiale ...)

Ah oui, et pour les nomenclatures, je ne pense pas que ce matériel est pour but premier l'apprentissage de vocabulaires (on utilise l'intérêt de l'enfant pour le langage en 3-6 ans mais ce n'est pas nécessairement le but recherché en premier) mais à mon sens davantage l'apprentissage d'une classification... un peu comme les premières boites de couleurs ne servent pas vraiment à l'apprentissage des couleurs (les enfants les connaissent déjà dans l'immense majorité des cas).
Et puis, ensuite, ces nomenclatures servent à la lecture du mot, puis de la phrase avec les définitions pour les nomenclatures plus complexes (botanique, géographie, géométrie...). Ici, ce sont des matériels qui marchent très très bien. Cela structure énormément leur connaissance du monde.
Anonyme a dit…
j'ai envie de dire : amen !!
;p

C'est exactement ce que je pense!!
Quand je tenais mon blog le coté "lisse" des messages me gênais ..car les gens avaient l'impression que Montessori c'était la perfection !!Alors plus d'une fois j'ai posté les moments où rien ne fonctionnait !
et moi en tant que maman il m'a fallu du temps avant de comprendre qu'en effet il me fallait faire du tri dans mes convictions!
il faut faire attention à ne pas entrer en "montessori" comme on rentre en "religion" !!
merci laurence ...
julie une fan ;)