Déviances

Je ne remets pas en cause ici la pédagogie Montessori, que je défends depuis longtemps et que je pratique depuis... pas assez longtemps... à mon goût ! MAIS il faut savoir intérioriser ce que l'on apprend, le digérer pour le faire sien. J'invite donc ceux qui se réclame de cette pédagogie, de commencer par lire les écrits de Maria Montessori. Cela parait le minimum !

Si je devais en restituer l'essentiel, je dirais ceci :
Je garde :
- son analyse très précise et très exacte des comportements des enfants.
- le principe de périodes sensibles propices aux apprentissages, les rendant par là-même efficaces
- la plupart des apprentissages peuvent être commencés tôt, c'est bénéfique à l'enfant
- les indispensables passages par le concret pour maitriser une notion, quelqu'elles soient et quelque soit l'âge (bien des collégiens ont eu recours à mon matériel pour enfin comprendre )
- la qualité du matériel qui a démontré son efficacité à tout point de vue
- la mémorisation par le corps tout entier
- le respect du rythme de l'enfant
- favoriser l'autonomie en créant une ambiance adaptée
- "l'individualisme" dans les apprentissages que nous pouvons rapprocher avec le principe de pédagogie différenciée
- l'indispensable répétition de l'exercice
- la leçon à trois temps

En revanche, je m'agace et je déplore les interprétations déviantes qui sont trop souvent faites de cette pédagogie :
- l'idée que l'enfant préfère le travail- dès lors qui lui est adapté- au jeu : mon observation des enfants m'indiquent de nuancer cette vue. Le jeu est une formidable ouverture sur l'imaginaire dont l'enfant a absolument besoin pour se construire. Beaucoup de notions peuvent être acquise par le jeu et les jeux de sociétés. Donc nous jouons, et nous jouerons encore ! Cependant cela ne se fait jamais sur des temps de classe. Je veux souligner ici que le jeu peut être, surtout dans le cadre de l'école à la maison, une source d'apprentissage formidable.
- l'intégrisme du matériel et "des représentants montessoriens". A en lire certains (blogs, sites), ce serait péché mortel de changer une couleur ou modifier une étape ...! Ils entrent en Montessori comme on entre en religion ! Les pratiques deviennent des applications à la virgule près, sans réflexion. L'enfant doit toujours me guider. Je dois rester cohérente et pragamatique dans mes choix et dans ma pratique. Exemple : si l'enfant a un âge avancé, sans doute passera-t-il plus rapidement à l'abstraction, certains matériels peuvent s'avérer "obsolètes" pour lui. On en revient au principe fondamental de la pédagogie Montessori : L'enfant est le guide.
- la totale liberté de choix de l'enfant. Là aussi, je pense que les interprétations ont fait du tort à ce principe. Quoiqu'il en soit pour ma gestion quotidienne, ce n'est pas gérable. Par ailleurs, il n'est pas mauvais que l'enfant se plie un minimum à un cadre et à des règles de fonctionnement (terminer le travail commencé par exemple). L'enfant doit me guider comme toujours : celui-là sait gérer seul et efficacement, laissons le libre; celui là n'y parvient pas ou demande que je lui prépare un programme, je prépare tout en l'amenant à l'autonomie dans l'exécution du programme. Celui-ci a besoin que j'impose sinon il ne choisira que la facilité et le niveau ne sera pas atteint, j'augmente la dose de contrainte mais j'accompagne, j'explique .
- le savoir "catalogue", j'explique : à parcourir certains blogs, sites, on en vient à penser que cette pédagogie consiste en partie à faire des livrets (ou autres supports) sur à peu près tous les sujets, reste à l'enfant à ingurgiter ces connaissances qui sur les oiseaux, les criquets, qui sur les mouches, le cycle de l'eau, ou bien les métiers, ou encore des pages entières sur les fruits et les fleurs, les formes ou les couleurs etc... de manière concrète et structurée certes mais à la limite de l'indigeste parfois. La mémorisation n'est pas tout. Ma question est : où est la réflexion ? La construction du raisonnement ?
Moi même je fabrique et utilise avec parcimonie ces livrets, il y en d'ailleurs peu dans notre classe. La raison en est très simple : passé l'âge de 5-6 ans, j'aime amener l'enfant à faire des recherches sur un sujet, à réfléchir aux notions qu'on lui soumet. Un exemple : dans certaines activités de tris, j'aime mettre une ou deux étiquettes "pièges" qui vont soulever une interrogation chez l'enfant, ouvrir la discussion du style "en fait, je pourrais le mettre dans les deux colonnes ! ah ? Pour quelle raison ?"
De la même manière, j'aime proposer aux enfants plus grands une phrase qui n'a ni queue ni tête au milieur d'une leçon ou des situations de recherches en mathématiques.
- l'exclusivité : je brasse les supports en effectuant un tri très soigneux et toujours dans une exigence de cohérence avec les objectifs que je cherche à faire atteindre à l'enfant. Si un matériel bien que Montessorien en diable, me parait inconfortable à l'enfant (difficulté évidente de manipulation parce que trop lourd,trop long à ranger etc...), inadapté ou inutile, je ne l'utilise pas. Tant pis pas d'état d'âme ! Il y a des supports autres très bien conçus. L'enfant me guide pas l'intégrisme montessorien tellement éloigné de l'état d'esprit de Maria Montessori !
- Autre mauvaise interprétation que je combats : une forme de laxisme au nom de la liberté de choix et du respect du rythme de l'enfant qui n'a rien à voir avec la pédagogie Montessori. Cela donne une absence d'exigences dans la mise en place de certains apprentissages qui sont dommageables pour l'enfant : j'exige la bonne tenue des traces écrites, la qualité de l'écriture, que le travail soit fait jusqu'au bout et des exigences de "niveaux" également car ce n'est pas en faisant des choses connues et faciles que l'on progresse...

Bonne réflexion !

Commentaires

Rilla a dit…
Merci!
Mille merci!
Je retrouve là beaucoup de travers et de déviances que j'ai vu sur certain blogs et sites.
La pédagogie Montessori demande de la reflexion, de l'écoute pour un accompagnement au bon sens du terme!
Je dirai aussi que la pédagogie Montessori n'est pas non plus le moyen d'avoir un enfant plus en avance, "plus intelligent" que les autres...etc quand il rentre en cp dans une école classique... Ce que j'ai aussi pu constater malheureusement même si, à la base, l'idée partait d'une bonne intention envers l'enfant. ça aussi c'est une dérive au fil du temps (très narcissique il me semble).
Merci pour ce billet.
Eloema a dit…
Bonjour,

merci pour ce billet que je découvre ! tout à fait dans mes dernières réflexions ... Bon dimanche